Réseau Femmes et Paix : un nouvel élan pour l'égalité de genre au Burundi
La Plate-forme de la société civile pour la consolidation de la paix et le renforcement de l'État (CSPPS) publie, en collaboration directe avec ses membres, une nouvelle série d'articles sur le travail de ses membres.
Curieux d'en savoir plus sur nos collègues au Burundi? Cette semaine, nous avons contacté Pascasie Barampama et Davy Frely Nininahazwe, tous deux résidents au Burundi et s’investissant dans son développement par le biais de l'organisation Réseau Femmes et Paix. Cet article revient ainsi sur la place des femmes au sein de la société burundaise, mais aussi les principales activités et motivations des membres de Réseau Femmes et Paix liées à l'égalité des genres et à l'autonomisation des femmes au Burundi.
Réseau Femmes et Paix, quels engagements ?
Réseau Femmes et Paix (RFP) est une organisation fondée en 1999 dont les aspirations premières sont de d'œuvrer pour un Burundi pacifique, riche et dynamique dans lequel les femmes jouissent pleinement de leurs droits civiques, politiques, économiques et sociaux. Elle fait de sa mission de participer au développement du Burundi par le biais la promotion de la cause des femmes et de leurs droits, de l'accroissement de leur l'implication effective dans les processus de consolidation de la paix et de décisions politiques, ainsi que du renforcement de leurs capacités économiques
L’équipe de RFP est revenu pour nous sur la situation de la femme burundaise, dont le rôle au sein de la société burundaise est profondément liée à la vision purement patriarcale qui domine le pays et ses moeurs. C’est au niveau rural où RFP constate que le phénomène est plus accentué, les hommes incarnant systématiquement l’autorité au sein du ménage à qui seule incombe toutes les décisions capitales. Les femmes quant à elles sont réduites aux tâches plus simples, mais quotidiennes et usantes comme les travaux champêtres, l'élevage et de manière exclusive le soin des enfants. Cette répartition indérogeable des tâches qui leur sont attribuées les empêchent de prendre part à 1) la vie politique du pays : les femmes burundaises ne sont jamais invitées à intervenir dans instances de prise de décisions politiques ; 2) la vie économique : les femmes burundaises n’ont strictement aucun pouvoir ou droit sur le contrôle des ressources, la propriété et la succession ; et 3) La vie sociale : les femmes burundaises sont bien trop souvent victimes de violence en tout genre.
“Une nation et une région paisible et prospère où règnent la justice sociale, la cohabitation pacifique, la tolérance et l’équité entre l’homme et la femme.” - Our vision, Réseau Femmes et Paix
Face à cette situation, ces cinq dernières années le travail du RFP a essentiellement constitué en:
- L’éveil des consciences des femmes et des filles burundaises pour la promotion de leurs droits politiques, économiques et sociaux (actions de sensibilisation, mise en place d’une participation civique, activités de leadership, liens avec la paix et la sécurité, etc).
- Le rassemblement des femmes et filles au sein d’associations engagées pour le renforcement de leurs capacités et leur implication effective dans la société burundaise.
- Le relèvement économique des femmes par le biais d’activités génératrices de revenus.
- Le plaidoyer auprès des décideurs politiques en faveur de l’égalité des genres, pour la prise en compte des droits politiques, économiques et sociaux des femmes.
- La lutte contre les violences de toutes sortes basées sur le genre.
Qu'est-ce qui a inspiré votre engagement à défendre personnellement les droits des femmes dans la société burundaise ?
Pascasie Barampama : “Ma mère, Elisabeth Mukobwa, était une femme paysanne qui avait appris à lire et écrire dans le système communément appelé « Yaga Mukama ». Elle a élevé ses 14 enfants et a fait d’eux des hommes et des femmes fiers et libres. Ni la disparition de son mari, ni les événements violents de 1993 qui l’ont privée de ses proches et de ses biens, ne lui ont pris son courage et sa détermination à s’occuper de sa famille. C’était un véritable leader, que ce soit en ville ou à l’intérieur du pays, elle a toujours dirigé des groupements de femmes, surtout au sein de l’Eglise catholique, pour les aider à se faire leur place dans la société. J’ai donc choisi de suivre cette voie pour lui rendre honneur, à elle et aux valeurs qu’elle m’a transmises et que je suis fière de porter.”
Davy Frely Nininahazwe : “Pour ma part, mon éducation en est la principale raison. J’ai grandi dans le respect total de la femme peut importe son statut. J’ai grandi entouré de femmes fortes: ma grand-mère, ma mère qui malgré les difficultés de la vie et le peu de moyens financiers dont elles disposaient n’ont pas hésité à prendre soin des leurs, à les éduquer et faire d’eux de grands hommes et femmes ce qui n’est pas toujours le cas pour toutes les femmes du Burundi. Défendre les droits des femmes est un devoir pour moi, et une façon de rendre hommage à ces femmes qui ont fait de moi ce que je suis devenu aujourd’hui.”
Un projet : “Bakenyezi, Dukenyerere Amahoro”, “Femmes, consolidons la paix
Dans le cadre de leur travail, RFP a tenu à partager et mettre en avant un de leur projet les tenant particulièrement à cœur, un projet intitulé “Bakenyezi, Dukenyerere Amahoro” ou “Femmes, consolidons la paix”.
Ce projet est avant tout un projet collaboratif pour lequel RFP travaille en partenariat avec l’ONG locale Dushirehamwe, et les organisations Youth Empowerment and Leadership Initiative (YELI) et Concertation des Collectifs et Associations Féminines (COCAFEM), et est soutenu financièrement par le Fonds de consolidation pour la paix des Nations Unies et l’organisation Christian Aid. Ainsi, ce projet s’appuie sur les réseaux des associations de femmes venant de tout horizon pour participer de manière significative dans les sphères décisionnelles et politiques. Il vise plus spécifiquement les provinces de Rutana et Ruyigi, au Sud du Burundi, et cherche à atteindre trois objectifs :
- Le renforcement de la capacité institutionnelle de 6 réseaux d'associations féminines locales dans le but de faire fonctionner et gérer efficacement leurs associations. Ce réseau représente aujourd’hui 3562 femmes en tout, qui sont aussi bien des femmes natives et résidant depuis toujours au Burundi, comme des femmes rapatriées ou déplacées internes.
- L'accroissement de la participation des femmes et des jeunes dans les espaces de dialogues et décisions politiques de niveau local, national et régional, dans le but de renforcer l'égalité institutionnelle entre hommes et femmes..
- La transformation des normes sociales de genre discriminatoires et néfastes au sein des ménages, le but étant de se diriger vers de nouvelles approches et mentalités davantage orientées vers l'égalité du genre.
Ce partenariat entre RFP, Dushirehamwe, YELI et la COCAFEM a d’ores-et-déjà permis d’impulser certains changements.
- Un véritable réseau d’associations féminines se met en place, ces associations étant parfois une première dans certaines communes.
- Les fonds attribués ont renforcé l’autonomisation des femmes membres des réseaux surtout au niveau économique.
- Les femmes élues présidentes des réseaux communaux commencent à prendre conscience du potentiel des réseaux qu’elles dirigent pour impulser le changement au niveau politique, économique et social.
- Grâce au projet BDA, les femmes membres des réseaux ont bénéficié d’un cadre pour rencontrer les décideurs politiques et exprimer leurs besoins de participation effective dans les sphères de prise de décisions.
- Renforcer la capacité organisationnelle des réseaux a permis la mise en place d’organisations solides faites d’organes reconnus par la loi.