Photo by Annie Spratt on Unsplash

Une Société n’est qu’aussi Forte que Ses Membres Les Plus Vulnérables

CSPPS Réaction coordonné pour soutenir l’action locale en COVID-19: Une interview avec WASH-Net, membre de la CSPPS de Sierra Leone
En période de crise, il est facile de perdre la vue d'ensemble. Une pandémie mondiale, comme celle à laquelle nous faisons face aujourd'hui, est un bon exemple de la manière dont notre réponse instinctive ne consiste qu’à se concentrer uniquement sur les aspects les plus clairement touchés : le système de santé d'une nation et son économie. Néanmoins, COVID-19 peut sérieusement affecter d'autres domaines cruciaux de la vie, en particulier les questions de paix et de conflits.
   
La CSPPS lance cette série d'articles, qui se concentre sur le rôle de la société civile dans le soutien des actions locales réagissant à COVID-19. Par le biais d'entretiens avec des intervenants de première ligne, nous discutons des effets à court et à long terme de COVID-19 sur les perspectives de paix et de stabilité dans leurs pays.
musa profile picture
Musa Ansumana Soko, Member of the Executive Committee of the Platform based in Sierra Leone, and Chief Executive of the Water, Sanitation and Hygiene Network (WASH-Net)

De 2014 à 2016, une vague dévastatrice d'Ebola a balayé la Sierra Leone, infectant 8 704 personnes et tuant 3 589, dont 221 dispensateurs de soins. Quatre ans plus tard, après que la Sierra Leone fut pendant longtemps le seul pays parmi le Liberia, la Guinée et la Côte d'Ivoire dans la sous-région du fleuve Mano à ne pas avoir enregistré de cas de COVID-19, le gouvernement a confirmé son premier cas le mardi 31 mars. 

Le président Julius Maada Bio déclara un état d'urgence d'un an le mardi 24 mars 2020, qui a été approuvé par le parlement le jeudi suivant, permettant la surveillance des passages frontaliers par l’armée et les forces de police, la réduction des heures d'ouverture des marchés et la fermeture des bars et des restrictions aux restaurants, afin de contrôler une épidémie imminente.

Pour le premier article de cette série, le Secrétariat de la Plateforme de la société civile pour la consolidation de la paix et la construction de l'État (CSPPS) s'est entretenu avec Musa Ansumana Soko, membre du Comité exécutif de la Plateforme basé en Sierra Leone et directeur exécutif du Water, Sanitation and Hygiene Network (WASH-Net) sur les effets de la pandémie du coronavirus dans le contexte d'une Sierra Leone post-Ebola

Sierra leone community
WASH-Net - Culvert Community

Dans une interview antérieure avec la BBC, Musa Ansumana Soko discuta de la nécessité d'améliorer l'accès à l'eau et à l'assainissement en Sierra Leone, compte tenu des menaces à la santé telles que Ebola et COVID-19. En réponse à notre question de s'il y a eu des améliorations depuis la crise d’Ebola, sa réponse fut plutôt inquiétante. 

« L'eau provient toujours des mêmes sources limitées. [...] Les sources existantes sont soumises à une forte pression supplémentaire pour répondre à la demande croissante d'eau à Freetown, par exemple. Au niveau provincial, le raccordement aux systèmes d'eau est faible, et la Société d’eau de Sierra Leone tente de fournir l'approvisionnement nécessaire aux communautés qui ne sont pas raccordées à l'eau par des canalisations. Des moyens alternatifs d'approvisionnement en eau sont l'installation de points communautaires avec des réservoirs qui sont remplis par des camions d'eau ».

La mesure la plus élémentaire et essentielle pour prévenir la propagation de COVID-19, se laver les mains avec de l'eau et du savon, est donc une tâche presque impossible pour une grande partie de la population de Sierra Leone. L'alternative, les désinfectants pour les mains à base d'alcool, est devenue un article de luxe, avec des prix qui montent en flèche et des magasins qui s'épuisent dans tout le pays. Une pandémie telle que COVID-19 met donc immédiatement en évidence le niveau élevé d'inégalité au sein du pays : votre revenu déterminera comment – et si – vous pourrez éviter de tomber malade. Les plus démunis, en particulier les femmes et les enfants, seront très affectés. Les tensions au sein de la population générale augmentent donc, et les effets d'un nouvel éclatement de la société seraient dévastateurs pour le développement du pays.

Un article publié en 2014 par un autre membre de la CSPPS, FriEnt, sur les effets dévastateurs de l'épidémie d'Ebola sur la consolidation de la paix en Sierra Leone, illustre les revers massifs que le pays pourrait subir en cas d’une épidémie de COVID-19. Les tensions entre le personnel médicale et la population générale ont augmenté en raison du niveau élevé de méfiance et de désinformation. Le secteur agricole a également été durement touché ; les agriculteurs se retirant de leurs champs pour faire le deuil de leurs proches, ce qui a entraîné une hausse considérable des prix des denrées alimentaires dans tout le pays. 

Cette fois encore, la peur et la méfiance augmentent les tensions dans le pays, car de nombreux professionnel de la santé ont peur d'admettre des patients à ce stade, par crainte de la contagion. Les rumeurs et la désinformation, en particulier parmi la partie illettrée de la population, ajoutent à ce sentiment de méfiance mutuelle. La semaine dernière, ces tensions ont conduit à un pandémonium à l'échelle du pays, lorsqu'un établissement de santé local a appris qu'une femme potentiellement infectée, qui avait voyagé du Cameroun à la Sierra Leone, avait été placée sous observation et tester pour le coronavirus – après quoi les résultats se sont révélés négatifs.

Le rôle de la société civile dans la prévention d’agitation social pendant la pandémie 

Musa Ansumana Soko souligne comment COVID-19 affecte tous les aspects de la vie. L'implication du public et des organisations de la société civile (OSC) dans la lutte pour une société résiliente est donc cruciale. L'ensemble des citoyens réclame un engagement plus important de la société civile, mais la plupart des précautions prises dans le cadre de COVID-19 ont jusqu'à présent été décidés que par les gouvernements. La résilience est la clé, avec ou sans COVID-19, et pour cela, chaque État doit fournir aux OSC leur espace légitime pour qu'elles puissent faire leur part. 

Un aspect dans lequel la société civile s'implique fortement, cependant, est l'éradication de la désinformation et la diffusion de messages informatifs sur le COVID-19 aux communautés les plus isolées. WhatsApp s'avère être un des canaux les plus commodes pour sensibiliser la population, mais les stations de radio locales pourraient également être impliquées dans ce processus. 

En outre, la société civile s'avère très précieuse dans le processus de suivi et de rapportage des actions au niveau local, ainsi que dans l'éducation communautaire. Influencer l'espace de diffusion au sein du gouvernement est très pertinent dans cette situation, en plus de mettre en évidence les questions sensibles touchant à l'égalité, à l'inclusion et à la participation des citoyens. La couche supplémentaire d'inégalité socio-économique augmente le niveau de complexité de la situation actuelle, ce qui exige une approche holistique à la crise. La sécurité sanitaire est primordiale, mais d'autres aspects sociétaux tels que la marginalisation, l'exclusion, les conflits et la sécurité sont également vitales.  

« une société n'est qu’aussi forte que ses membres les plus vulnérables »

Pour Musa, « une société n'est qu’aussi forte que ses membres les plus vulnérables, et un manque de réaction aux besoins de ces membres vulnérables aurait de sérieuses répercussions sur la stabilité générale de la Sierra Leone. Les technologies médicales ne suffisent pas à elles seules à prévenir une nouvelle épidémie : la confiance des communautés est nécessaire pour une issue contrôlée » . 

Il est donc essentiel de mettre en œuvre des mesures de contrôle bien acceptées en cas d'épidémie. Musa Ansumana Soko souligne que, pour éviter une perturbation sociétale et économique complète semblable à celle de l'épidémie d'Ebola, nous devons mettre l'accent sur la résilience et la confiance à l'échelle nationale, ainsi qu'au-delà de nos frontières nationales. Nous avons également besoin d'une vue d'ensemble des besoins locaux, à tous les niveaux de la société, et la société civile doit participer à la fois à la sensibilisation et aux efforts de coordination de la lutte contre la crise actuelle. 

Comment est-ce que le Dialogue international sur la consolidation de la paix et la construction de l'État (IDPS) et la CSPPS entrent-ils alors en jeu dans ce contexte ?

Les épidémies comme celles-ci sont mondiales : quelle meilleure façon alors de traiter un problème mondial que de créer une réaction transnationale ? « Travailler en collaboration contre le virus renforce la confiance de la communauté dans le processus de réaction » . Faire preuve de solidarité mondiale ne fait qu'ajouter à cela. Dans ce contexte, le déploiement et la mise en œuvre de la Vision de la paix 2019-21 de l'IDPS sont particulièrement pertinents : nous, en tant que société civile, devons favoriser la cohésion nationale et soutenir des réponses participatives et inclusives pour une consolidation de la paix et une prévention des conflits plus efficaces et plus durables. 

Musa Ansumana Soko constate que les principales OSC nationales revendiquent elles-mêmes l'espace nécessaire à leur participation et abordent la question de la responsabilité en se basant sur les enseignements tirés des leçons de l’épidémie d’Ebola. Mais elles sont cependant « encore en train de s'intégrer stratégiquement dans la campagne visant à prévenir une épidémie incontrôlée, à détecter les cas possibles et à participer à la réaction lorsqu'elle se produira ». 

Le soutien de la CSPPS contribue à créer un espace d'écoute et d'apprentissage, et à partager et explorer ce que la CSPPS peut offrir à l'échelle internationale. Comme les OSC se trouvent contraintes en raison des précautions prises en réaction à COVID-19, la prise en charge de leur rôle habituel en revendiquant une plus grande implication ou un plus grand plaidoyer est également réfrénée. En tant que CSPPS, nous devons aider à trouver de nouveaux moyens de rester engagés, même en période de blocage (partiel).

« La CSPPS étant une partie prenante essentielle dans la mise à disposition d'espaces pour la société civile, l'approfondissement de notre engagement auprès des États et des citoyens peut jouer un rôle important dans l'identification des défis actuels, tout en explorant les besoins de soutien concret pour accompagner les engagements de la société civile dans nos pays respectifs. Cela est important surtout dans une période aussi difficile que celle-ci, où les ressources disponibles pour rendre opérationnel l'engagement de la société civile sont limitées ».

À l’heure actuelle, une réunion conjointe de coordination réunissant tous les membres des OSC de l'équipe pays de la CSPPS de la Sierra Leone est prévue pour le 3 avril, afin de définir une position claire et unie de la part de la société civile. Bien que cela implique de nombreuses ressources, une action précoce est vitale pour définir les besoins supplémentaires en termes de soutien au fur et à mesure que la situation évolue. L'équipe pays de la Sierra Leone s'adresse aux OSC sur le terrain pour faire avancer le programme de prévention en communiquant et en se mettant d'accord sur des messages préétablis. Cependant, en raison de la récente déclaration de l'état d'urgence, la constitution est suspendue. Les questions de gouvernance collaborative et de consolidation de la paix restent donc en suspens. 

Michaella Samai - Pupils at The Annie Walsh Memorial School in Freetown
Michaella Samai - Pupils at The Annie Walsh Memorial School in Freetown

« Les priorités devraient être ancrées sur le renforcement de la résilience, tout en abordant les questions majeures de la fragilité et de l'effondrement des systèmes et des institutions de gouvernance. L'infrastructure pour la paix (Commission pour la paix et la cohésion nationale) doit faire partie de ces priorités d'action, tout en prenant en charge les besoins urgents pour la mise en œuvre complète des agendas de sécurité comme, entre autres, ceux des Femmes, paix et sécurité et Jeunes, paix et sécurité ». 

La CSPPS s'est engagée à apporter la paix et la résilience de par le monde, en particulier dans des périodes comme celle-ci. Cet article est le premier d'une série sur le rôle de la société civile dans le soutien de l'action locale pendant la pandémie de COVID-19. Nous nous adressons ainsi à la communauté mondiale et aux autres membres de la CSPPS pour faire entendre la voix de la société civile. La réaction d'urgence à court terme et l'aide humanitaire en temps de crise sont sans aucun doute inestimables. Cependant, une vision à long terme en travaillant sur le Triple Nexus de l'action humanitaire, du développement et de la paix afin de construire des sociétés résilientes dans le monde entier est essentiel. Surtout maintenant. Surtout en cette période de chaos mondial sans précédent. Nous sommes tous dans le même bateau. Le moment est venu d'agir pour une paix véritablement durable.

Cet article a été écrit par Charlotte de Harder – CSPPS

Partager cet article sur