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De zéro à pionnier

Youth Without Borders Organisation for Development

« Member Stories » est une série d’articles publiée par la Plateforme de la société civile pour la consolidation de la paix et la construction de l’État (CSPPS) en collaboration directe avec ses membres, mettant en lumière leur travail.
Curieux d’en savoir plus sur nos collègues au Yémen ? Nous avons échangé et collaboré avec Maged Alkholidy, Abdullah Alsalami et Elham Alqershi de l’organisation Youth Without Borders Organisation for Development (YWBOD). Ils expliquent la situation au Yémen ainsi que leurs efforts remarquables pour promouvoir le renforcement des capacités et l’autonomisation des femmes et des jeunes dans le pays.

Le contexte au Yémen

Le conflit en cours au Yémen a profondément bouleversé le paysage humanitaire, social, économique et politique du pays. La jeunesse yéménite a été particulièrement affectée à plusieurs niveaux — social, psychologique, économique et politique. Leur accès à l’éducation, à l’emploi et à une participation significative à la vie publique a été fortement limité. En outre, ce conflit prolongé a marginalisé les jeunes femmes et hommes, les excluant des rôles de leadership et des processus décisionnels. Cette exclusion systémique réduit leur capacité à exprimer leurs besoins, influencer les politiques publiques, et contribuer efficacement à la gouvernance et à la consolidation de la paix. Dans ce contexte, intégrer les jeunes dans la société et promouvoir une culture de paix parmi eux est devenu une priorité pour les organisations de la société civile. Les efforts de YWBOD visent précisément à autonomiser les jeunes et à encourager leur engagement actif et constructif dans la reconstruction de leurs communautés.

Présentation de YWBOD 

La Youth Without Borders Organisation for Development (YWBOD) est une organisation de la société civile créée en 2013 qui se consacre à l’autonomisation des jeunes dans les domaines sociaux et économiques au Yémen. Depuis l’intensification du conflit en 2015, l’organisation a pris de l’importance.
Actuellement, YWBOD compte environ 60 à 70 membres du personnel répartis dans trois bureaux principaux, ainsi qu’une présence dans d’autres régions du pays. L’organisation a mis en œuvre entre 30 et 40 projets, centrés principalement sur l’autonomisation des femmes et des jeunes, le renforcement des capacités des autorités locales pour assurer la sécurité, et la stabilité des sociétés. Pour atteindre ces objectifs, YWBOD collabore étroitement avec les institutions étatiques, les autorités locales, les leaders sociaux et d’autres organisations de la société civile.

Relier les communautés de base au dialogue national

Au fil des années, YWBOD a démontré de solides capacités techniques et une efficacité remarquable dans sa communication avec les communautés locales, les autorités locales et nationales, les OSC, ainsi que les réseaux et alliances d'OSC. L’organisation joue également un rôle actif dans des plateformes de la société civile aux niveaux national et international. Par exemple, YWBOD est membre de la Civil Alliance for Peace (CAP), qui milite pour des processus de paix inclusifs et dirigés localement, ainsi que de la Civil Voices Alliance, qui relie les acteurs locaux aux efforts de dialogue national. À l’échelle mondiale, YWBOD est engagée dans des réseaux tels que le United Network of Young Peacebuilders (UNOY) et la Plateforme de la société civile pour la consolidation de la paix et la construction de l’État (CSPPS), amplifiant les voix des jeunes yéménites dans les forums internationaux. Ces partenariats illustrent l’engagement de YWBOD pour une collaboration significative et un plaidoyer stratégique à tous les niveaux.

Le projet Sharakat pour l’inclusion des jeunes

Le projet Sharakat (Vers l’inclusion des jeunes femmes et hommes dans la prise de décision au Yémen) est une initiative financée par l’Ambassade des Pays-Bas au Yémen, qui vise à institutionnaliser l’engagement des jeunes au sein des municipalités, des autorités locales et des ministères au niveau national. Il est mis en œuvre en partenariat avec la Civil Alliance of Peace (CAP), le Youth, Peace and Security Pact (YPS Pact Yemen), des OSC locales, des initiatives de jeunes, ainsi que des autorités et institutions locales. Grâce à ce projet, YWBOD a pu renforcer les capacités de plus de 202 personnes, dont 72 jeunes fonctionnaires travaillant au sein des autorités locales dans les trois gouvernorats ciblés.

Le projet comprend deux phases distinctes. Lors de la première phase, environ 60 jeunes participants (hommes et femmes) ont été nommés à des postes décisionnels au sein des gouvernements locaux, et 83 jeunes ont été impliqués dans la prise de décision locale, notamment à travers des consultations avec le gouvernement. À travers ce projet, YWBOD a renforcé les capacités de plaidoyer des jeunes et des OSC. Les activités menées dans le cadre du projet ont permis de renforcer les capacités de 11 acteurs de la société civile (OSC, initiatives de jeunes et de femmes), et de créer une coalition informelle de ces acteurs afin de travailler collectivement à une plus grande implication des jeunes dans les processus décisionnels. Les principales missions de cette coalition comprennent la rédaction de notes de politique publique, le plaidoyer en faveur des problématiques liées à la jeunesse, et le dialogue avec diverses parties prenantes et autorités. Ainsi, les OSC parviennent à établir leurs propres partenariats et à jouer un rôle plus fort, de manière autonome, sans dépendre directement de l’encadrement de YWBOD.

À la suite de la première phase, 60 jeunes femmes et hommes ont été affiliés à sept partis politiques dans les trois gouvernorats ciblés, et 44 jeunes ont été intégrés dans 22 ministères.
L’objectif de l’organisation est de renforcer les compétences des jeunes femmes et hommes, tout en encourageant leur exposition à des environnements décisionnels et l’apprentissage par l’expérience dans ces domaines. Vous trouverez ci-dessous les témoignages de bénéficiaires du projet.

Le projet a rencontré un véritable succès et est devenu une référence au Yémen en matière d'engagement des jeunes. Sharakat est aujourd’hui reconnu dans le pays comme un modèle exemplaire pour le renforcement de l’implication des jeunes. Ce projet a également permis de rapprocher la société civile des autorités, en créant de l’espace pour les jeunes, souvent ignorés par le passé en raison de leur implication dans les conflits.

La deuxième phase du projet vise à pérenniser la dynamique générée par la première phase et à capitaliser sur l’intérêt renouvelé des autorités locales pour la collaboration avec les jeunes et les femmes.

 

“Les campagnes de plaidoyer et les notes politiques produites par le projet Sharakat ont joué un rôle important pour faire entendre la voix des jeunes auprès des décideurs. Je pense qu’elles ont eu un impact – même relatif – sur les responsables, en changeant leur perception de l’implication des jeunes dans les rôles de leadership.”
-Directeur adjoint du Bureau de la Jeunesse et des Sports – Taiz

“La formation a représenté un changement qualitatif dans ma façon de penser et celle des jeunes participants. Avant, on accomplissait nos tâches de routine, pensant que c’était tout ce que l’on pouvait faire. Aujourd’hui, on sait que notre rôle ne s’arrête pas là, mais qu’il s’étend jusqu’à la participation effective à la prise de décision.”
-Participant à la formation pour jeunes fonctionnaires au ministère

Centres de services pour la jeunesse – Créer un espace sécurisé

Dans le contexte du conflit toujours en cours au Yémen, l’absence d’espaces sécurisés, de compétences adaptées au marché et d’opportunités de leadership a laissé de nombreux jeunes se sentir marginalisés et incapables de participer pleinement à la société. Par ailleurs, leurs besoins en matière d’autonomisation pour prendre en main leur avenir n’ont pas été suffisamment pris en compte.
C’est dans ce contexte que les Centres de services pour la jeunesse ont été lancés en 2020, avec pour objectif de fournir un espace sécurisé aux jeunes et aux femmes confrontés à des traumatismes et à la violence basée sur le genre. Ce projet a permis la création de centres offrant aux jeunes hommes et femmes un lieu sûr où ils peuvent bénéficier de renforcement des capacités, d’un soutien juridique, d’activités artistiques, d’un accompagnement psychologique et d’installations sportives.Année après année, le projet s’étend, notamment en intégrant des programmes d’autonomisation économique. Au fil du temps, ces Centres de jeunesse sont devenus des espaces cruciaux, répondant à ces besoins par des programmes structurés et des services essentiels tels que le renforcement des compétences, le développement du leadership, le soutien psychosocial, les services de santé reproductive, ainsi que des opportunités d’engagement communautaire.

Le projet a débuté à Taiz, puis à Aden, et un autre centre a récemment ouvert à Hadhramaut. Grâce à ces infrastructures, plus de 23 692 jeunes hommes et femmes ont participé aux activités des centres. Le succès des Centres a été largement soutenu par des partenariats solides avec 19 entités gouvernementales, 16 entreprises du secteur privé et 16 organisations de la société civile.

The success of the Centers has been significantly supported by strong partnerships with 19 government entities, 16 companies from the private sector and 16 civil societies.

Comme le souligne Maghed Alkholidy, fondateur de YWBOD : « Si vous allez dans le secteur privé, vous trouverez des personnes qui bénéficient d’une formation en emploi dans les centres, où nous rémunérons les participants pendant 3 à 4 mois, après quoi ils obtiennent un emploi. Ce centre est l’une de nos plus grandes fiertés, car nous opérons depuis 5 ans. Malgré les réductions budgétaires, nous résistons et continuons notre travail. Nous organisons des activités sportives et constatons comment cela change l’état d’esprit des gens. Le projet est financé par le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), mais cette année, en raison des coupes budgétaires, nous avons du mal à maintenir les activités des centres. »

 

 

 

« On peut dire que le projet a eu un impact positif sur les décideurs aux niveaux local et national grâce à la forte interaction de ces derniers avec les activités du projet, notamment la campagne de plaidoyer locale et nationale, ainsi que la coopération continue autour de la question de l’implication des jeunes dans la prise de décision, et la prise de décisions visant à nommer des jeunes hommes et femmes à des postes décisionnels, autant d’indicateurs de la durabilité du projet. »
— Responsable d’une des OSC ciblées par le projet

« Avant notre participation au projet Sharakat, nous évitions de prendre part à des activités politiques avec quelconque parti. Sharakat nous a permis de nouer des relations solides avec diverses composantes de l’autorité locale et des partis politiques dans le gouvernorat, et nous disposons désormais de canaux de communication directs avec eux. »
— Responsable d’une initiative jeunesse ciblée par le projet

Défis

Dans le contexte actuel, nous faisons face à plusieurs défis. Obtenir des financements devient de plus en plus difficile, en particulier avec les récentes réductions budgétaires qui impactent les ressources disponibles pour les OSC. Les incertitudes tant au niveau mondial que national compliquent davantage la planification et la mise en œuvre des activités, rendant le fonctionnement des OSC moins efficace.

Le conflit en cours dans le pays aggrave la situation en créant d’importantes difficultés économiques qui affectent non seulement les OSC, mais aussi les communautés qu’elles servent. En conséquence, les priorités organisationnelles évoluent constamment. Alors que de nombreuses OSC visent des objectifs de développement à long terme, la crise humanitaire urgente et le besoin pressant d’autonomisation économique poussent les projets à adopter des modes plus réactifs.

Par ailleurs, l’alignement avec les autorités gouvernementales s’avère difficile. Même lorsque des approbations de projets sont accordées, les priorités fixées par les autorités diffèrent souvent de celles identifiées par les OSC, entraînant un décalage dans la mise en œuvre. De plus, les procédures bureaucratiques pour exécuter les projets et activités sont souvent peu claires et longues, causant des retards et réduisant l’impact global des projets.

« Nous pensons que les jeunes sont des acteurs du changement et que s’ils sont bien engagés et bien autonomisés, l’avenir est prometteur. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec eux. »

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